Faut-il se lancer dans l’e-commerce en 2015 ?

Après avoir laissé mes ex-associés aux commandes de la boutique e-commerce que nous avions cofondée, j’entendais en permanence que l’e-commerce était encore et toujours en progression en France. C’est seulement en Mai 2014 que l’e-commerce semblait être arrivé à maturité. Pourtant, lors de ma période e-commerçante 2012-2013, et malgré un marché en constante progression, il était déjà très compliqué de se confronter aux grands du secteur. Et de développer un CA conséquent, si les investissements ne suivaient pas.

Aujourd’hui, c’est certain : les sites e-commerce vont devoir anticiper une stabilisation, voire une baisse du marché. Dans le cas de pure-player qui ne bénéficient pas de boutiques physiques et qui travaillent exclusivement sur le web, il ne leur est pas possible d’envisager des stratégies type Web-to-store. Alors… comment peuvent-elles continuer à perdurer ?

Disrupter pour survivre ?

A l’époque, nous disposions d’environ 7000 références de produits pour chiens et chats. Il s’agit d’un marché qui est toujours en progression, mais sur lequel des acteurs historiques ont déjà fait leur place sur le web en France et en Europe : Zooplus et Wanimo figurent en tête de proue.
Comment faire pour se différencier ? Nous vendions quasiment les mêmes produits, à destination de la même cible. Dès lors, il est très compliqué d’acquérir et de fidéliser une clientèle déjà habituée d’aller chez le concurrent.

C’est à cette époque que j’ai entendu parler pour la première fois de la Stratégie de l’Océan Bleu, ou comment créer de nouveaux espaces stratégiques.

Idée n°1 : développer un système d’abonnement original ?

Pour rester dans l’univers du chien et chat, Miaoubox et Woufbox ont développé une idée à contre-courant de l’e-commerce traditionnel : le coffret cadeau pour chien et chat ! Le concept est vraiment cool : un modèle économique basé sur l’abonnement et qui joue à fond la carte de la fidélité client. Une innovation qui impose d’aller conquérir une nouvelle clientèle. Mais cela devrait s’avérer assez simple, car dans ce marché, les clients sont identifiés aujourd’hui comme des pet-parents, capable d’offrir « je-ne-sais-quoi » à leur petit animal, lequel fait désormais partie intégrante de la famille. C’est donc extrêmement malin d’avoir développé ces 2 concepts !

Idée n°2 : développer une offre ultra-ciblée ?

D’autres font le choix délibéré d’une offre « mono-produit », ce qui leur donne différents avantages : une identité claire et facile à définir, une audience ultra ciblée et une reconnaissance d’ultra-spécialiste. Parmi eux, on distingue des sites comme Archiduchesse, spécialiste de la chaussette (PS : déjà testé, et je valide !), Une autre paire de manches, spécialiste des boutons de manchette, ou encore Headicts, spécialiste des bonnets et chapeaux. Et impossible d’oublier Le slip français, créé par Guillaume Gibault, un entrepreneur français motivé et motivant, que j’ai rencontré à de nombreuses reprises.

  • En termes SEO, c’est clairement un avantage d’avoir une offre « mono-produit » très ciblée, puisque le money site bénéficiera d’une densité de contenu très élevée sur les expressions-clés principales. Il avantage donc son référencement générique et ne se positionne pas seulement sur la longue traine, laquelle semble avoir été tuée par Google.
  • Le corollaire d’un SEO performant, dans ce cas précis d’une offre « mono-produit », c’est l’assurance d’un taux de transformation élevé, et par conséquent un ROI performant, puisque le coût d’acquisition client est minoré.

J’ai néanmoins un bémol sur ce modèle d’ « ultra-spécialiste » : bien que l’acquisition de trafic soit facilitée, il peut être compliqué de fidéliser sa clientèle. En effet, une fois qu’on a acheté de jolies paires de chaussettes, on n’a pas forcément besoin d’en acheter des neuves tous les 4 matins. Surtout si le prix reste un facteur déterminant dans la décision de l’acte d’achat, et qu’en faisant ses courses à Carrefour on trouve des produits équivalents, certes moins qualitatifs, mais 10x mois chers…

Idée n°3 : sur-optimiser son site web ?

A l’heure du SoLoMo de Loïc Le Meur, il est indispensable aujourd’hui d’avoir un site rapide, adaptable, épuré, géolocalisé, connecté aux réseaux sociaux et répondant aux standards modernes de l’ergonomie. Déjà en 2014, l’agence Vanksen nous prédisait ces tendances du webdesign. Pour ma part, j’adore le style très épuré de Nest.com, spécialiste des objets connectés pour « maison intelligente ». Ou celui d’un Folks, site pour hipster assumé, qui utilise une vidéo comme cover dans sa zone de flottaison.

Ne pas confondre beau et efficace : un beau site n’est pas synonyme d’une explosion du chiffre d’affaires. Dans un avenir proche, une fois que tous les sites seront beaux et modernes grâce aux open-source Magento ou Prestashop, on aura alors créé un nouvel « océan rouge »… Par contre, avec un site affreux et lent, c’est sûr que les objectifs financiers seront plus difficiles à atteindre. Même si les aspects techniques UX et UI sont importants, privilégiez surtout votre stratégie commerciale. Dans « e-commerce », il y a « commerce » !

Idée n°4 : repenser sa relation client ?

Thierry Spencer sera forcément d’accord avec moi : le client est au centre de tout modèle économique e-commerce, et il faut savoir le choyer ! A l’instar des Personal shoppers qui sont à votre disposition aux Galeries Lafayette, le service client fait son grand retour depuis quelques années sur internet.

La relation client peut être optimisée à l’infini. Mais pour y arriver, un conseil : liez immédiatement votre site à un e-CRM type Nimble qui vous permettra d’anticiper le virage du big-data. Plus vous aurez d’informations sur votre client, sur son historique, ses envies, ses passions, sa famille, son environnement professionnel… alors meilleures seront vos offres et votre taux de transformation !

Idée n°5 : optimiser sa politique de livraison ?

La livraison est souvent un élément crucial dans l’acte d’achat. Tendance confirmée par ComScore, qui certifie que les acheteurs sont prêts à attendre plus longtemps pour se faire livrer, si les frais de port sont gratuits. Ce qu’a bien compris Jet.com, LE site attendu en ce début d’année 2015, prêt à concurrencer Amazon sur ses plates-bandes, via un modèle d’abonnement et de livraison 100% disruptif.

Un autre ami (décidément !) : Rémi Lengaigne co-fondateur de Colisweb propose une solution de livraison en 2 heures ou sur rendez-vous. Un excellent outil de différenciation, pas forcément adapté à tous les e-commerçants et à tous les modèles, mais qui s’avère très efficace pour une cible B2B par exemple.

L’union fait la force ?

Lorsque j’étais e-commerçant, je vendais à la fois sur mon money-site, mais aussi via des marketplaces : parmi elles, j’avais sélectionné le n°1 Amazon. A cela, beaucoup d’avantages, mais aussi de nombreux désavantages :

  • J’y vendais de nombreux produits, et le panier moyen y était aussi plus élevé que sur mon site web. La marque « Amazon » semblait être un gage de confiance dans l’acte d’achat, face à mon site, inconnu du grand public. Clairement, je doublais mon chiffre d’affaires grâce aux places de marché.
  • Les nouveaux clients ainsi acquis chez Amazon, m’identifiaient alors comme étant « Amazon » et non pas selon ma marque. C’est frustrant, mais on peut vivre avec ;)
  • Plus problématique : les marketplaces ne vous communiquent pas (toujours) l’adresse e-mail du client. Cette rétention d’information peut se comprendre. Mais impossible alors d’inscrire ce client dans notre e-CRM en vue de lui router nos e-mails promotionnels. Ainsi, si je ne glissais pas un flyer dans les colis invitant les clients issus de ces sites à se rendre directement sur mon site web pour leurs prochains achats, impossible alors d’amortir le coût d’acquisition de mon client beaucoup trop élevé ! La rentabilité et l’assurance de développer ma fidélisation client s’avéraient très compliquées.

Ma conviction, c’est que les acteurs majeurs de l’e-commerce vont continuer à prendre des parts de marché conséquentes sur les petits sites e-commerce, surtout si ces derniers n’ont pas de stratégie innovante. Ces petits acteurs de l’e-commerce sont déjà totalement noyés par la longue traine et il leur reste donc à batailler pour obtenir des positions en SEM et sur les Product Listing Ads (PLA). Face aux budgets des géants de l’e-commerce, c’est quasiment une bataille perdue d’avance.

L’économie collaborative, pour sauver les petits e-commerçants ?

Il y a quelques années, personne n’aurait parié dessus : pourtant Etsy est en train de faire un véritable carton ! Etsy a disrupté le modèle classique des marketplaces sur le web : la totalité de son catalogue produit est en fait conçu par des artistes qui gèrent leurs propres boutiques sur Etsy. Un modèle durable « gagnant-gagnant » où tout le monde s’y retrouve :

  • Côté Etsy, pas de logistique pharaonique à gérer. Son cœur-métier, c’est le web. Et ses investissements sont essentiellement concentrés sur la communication, et l’optimisation fine-tuning de son ergonomie.
  • Pour les artisans, c’est aussi plus rentable : Etsy applique une commission de 3,5%. On est loin des 15% appliqués par Amazon ou PriceMinister !

Etsy fait partie de ces sites qui font du bien au web, et qui permettent d’espérer que l’e-commerce est encore accessible aux petits entrepreneurs. D’autres sites web tentent de développer une offre similaire : dans l’impression 3D, on compte notamment Shapeways qui permet aussi la création de boutiques pour les modeleurs 3D. Joli concept, mais la technologie étant limitée, le CA de Shapeways est encore très en dessous des attentes (source non officielle ;-).

Optimiser la coopération entre e-commerçants

Ce qui pourrait sauver les petits e-commerçants dans un avenir proche, c’est un retour en force du cashback. J’imagine cela sous 2 formes distinctes visibles sur les sites web :

  • Dans le header du site, on pourrait y trouver un web ring vers des sites partenaires indépendants. C’est une technique ancestrale chez les blogueurs, rarissime chez les e-commerçants français, et pourtant récurrente sur les sites US. J’ai revu ça récemment sur Diaper’s.com : chaque univers du catalogue produit renvoie vers un nom de domaine distinct. Il existe des barres d’outils fournies par les sites de cashback qui permettent déjà ce type d’échange entre e-commerçants. Mais j’imagine quelque chose de plus « organique », à l’instar du native advertising.
  • Directement depuis les zones de « transformation » : dans le panier ou le tunnel d’achat, on devrait aussi proposer un code coupon chez un site partenaire, pour motiver l’achat. Évidemment, il faut que le site partenaire propose une offre très complémentaire ou s’adresse à la même cible pour que cette collaboration soit cohérente et pertinente. Le big-data et un bon CRM seront prépondérants pour profiler vos clients au cas par cas !

Sur Lille, j’avais eu le loisir de m’entretenir sur ce sujet avec Thomas Thumerelle, CEO de Motoblouz. Thomas a eu l’intelligence de fonder les Cht’e-commerçants, une association d’e-commerçants lillois qui leur permet de mutualiser leurs besoins et ainsi de baisser les coûts de fonctionnement. Une initiative gagnant-gagnant très intelligente. Seul hic si vous démarrez : la sélection à l’entrée est compliquée pour les nouveaux e-marchands.

L’avenir de l’e-commerce passera forcément par la mutualisation des forces. Google, Amazon et Cdiscount ont rendu en France l’e-commerce très compliqué pour les petits sites e-commerce. Vous vous lancez dans l’e-commerce en 2015 ? Allez-y ! Mais assurez-vous que votre stratégie et votre positionnement sont les bons.

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1 réponse

  1. 19 janvier 2016

    […] qu’un e-commerçant devrait forcément disrupter pour survivre. Mon article répertoriait 5 idées stratégiques pour aider les entrepreneurs & décisionnaires. Pas de surprise en 2016 : ces idées restent d’actualité. Inutile de les répéter, alors […]

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