Pourquoi l’impression 3D seule n’a aucun intérêt ?

L’impression 3D est encore très mal connue du grand public. Certes, les médias ont leur part de responsabilité sur les légendes urbaines qui véhiculent à son sujet. Mais certains de mes confrères, par manque de maîtrise ou par simple convoitise, continuent de dire tout et n’importe quoi à leur public.

Une surdité ambiante associée à des œillères opaques rendent mes propos parfaitement stériles. Cela n’affecte pas ma position : l’impression 3D est une technologie limitée, qui devrait être inscrite dans une chaine de fabrication plutôt que d’être vendue comme LA technologie révolutionnaire capable de tout substituer.

Une technologie vraiment révolutionnaire ?

L’impression 3D a fêté ses 30 ans en 2014. Ce n’est pas d’hier ! D’ailleurs, l’impression 3D est en réalité un terme générique qui englobe plusieurs technologies de fabrication d’objet. On dit que l’impression 3D est une technologie de fabrication toujours « additive ». Première erreur, puisqu’une machine de chez Mcor Technologies, considérée aussi comme une imprimante3D, a une méthode de fabrication « soustractive ». C’est à dire qu’elle soustrait de la matière pour concevoir un objet.

Une méthode de fabrication innovante, c’est vrai !

Ce qui fait de l’impression 3D quelque chose de génial, c’est sa méthode de fabrication digitale. Grâce à un fichier modélisé en 3D sur votre ordinateur, vous allez pouvoir donner vie à un objet en 3 dimensions. Et c’est là, et uniquement là pour le moment, que réside la performance de l’impression 3D.

Mais avez-vous déjà vu un objet imprimé en 3D ?

En effet, selon la technologie de fabrication que vous aurez utilisée, l’objet réalisé aura des composantes techniques plus ou moins abouties. En voici quelques-unes :

  • Le FDM, ou FFF ou dépôt de fil
    Les objets imprimés en FDM ont un aspect rainuré. Ils sont conçus dans différents types de plastiques, parfois complétés de matières exotiques comme le bois, l’algue ou le laiton. C’est la seule méthode d’impression 3D connue du grand public, et finalement la moins intéressante puisque les objets qui sortent des machines FDM sont souvent moches et peu précis. Mes clients du Figaro ont adoré le rendu geek des objets lorsque nous leur avons réalisé des goodies. En démonstration chez Teads pour leur soirée re-branding, le public était au rendez-vous. Mais le FDM reste et restera malgré tout limité, en termes de qualité de finition. Un conseil : équipez-vous d’une lime et de papier de verre pour corriger toutes les imperfections de l’objet imprimé en FDM. Ou plus radical : utilisez de l’acétone !
  • Le SLS ou frittage de poudre
    Les objets conçus en SLS ont un aspect granuleux et mono-couleur. Cette technique est parfaite pour concevoir un prototype de meilleure qualité et plus grand qu’en FDM, en alumide ou en polyamide par exemple. Par contre, pour une qualité satisfaisante, prévoyez systématiquement d’accompagner vos impressions 3D d’un polissage, sinon votre client risque d’être déçu du résultat !
  • le 3DP, en Zcorp
    C’est une des rares techniques d’impression 3D multicolore. Mais les objets ainsi fabriqués sont extrêmement fragiles : cassants, ils craignent aussi l’eau. De plus, en récupérant les objets dans le bac d’impression une fois imprimés en 3D, il faut prévoir 3 étapes manuelles de « post-finition » : d’abord un nettoyage, puis un encollage suivi d’un vernissage. C’est la technique utilisée par mes amis de chez Le Blox.

Première conclusion : l’impression 3D ne s’auto-suffit pas ! Il faut systématiquement prévoir un travail de finition en aval, pour obtenir un objet propre et au toucher acceptable. Mais pour quelle fin ?…

Donner du sens à l’impression 3D

A moins d’avoir besoin d’un prototype, ou d’une petite série d’objets décoratifs, difficile de trouver un besoin à l’impression 3D. Vous m’entendrez souvent dire en conférence que l’ « on est capable de faire des choses avec une scie et un marteau impossible à faire en impression 3D : est-ce que pour autant la scie et la marteau sont considérés comme révolutionnaires ? ». C’est pourtant ainsi qu’est présentée l’impression 3D dans les médias.

Les limites technologiques de l’impression 3D

L’impression 3D ne se substitue pas aux techniques de fabrication, mais les complète, et peut éventuellement les améliorer :

  • La plasturgie est une technique de fabrication fiable pour la fabrication de pièces en séries. L’impression 3D s’intègre parfaitement au début de la chaine de fabrication, dans la réalisation d’un moule par exemple. A titre d’exemple, j’ai été consulté sur des projets de conception de moule alimentaire en impression 3D pour Canal+ : dans ce cas, il faut envisager des techniques d’impression 3D 100% bio-compatibles. Par contre, quand il s’agit de fabriquer une baignoire, il vaut mieux choisir de la concevoir par thermoformage pour rester dans des coûts raisonnables, tant les différences de prix et de vitesse de fabrication seraient diamétralement opposées.
  • Certaines matières ne peuvent être imprimées en 3D : le plexiglas, le verre, les matières textiles, les puces électroniques etc. sont fabriquées aujourd’hui selon d’autres procédés. On peut fabriquer des objets en résine transparente, en stéréolithographie par exemple. Mais la qualité de transparence n’est pas comparable à celle du verre ou du plexiglas. De même pour les matières textiles : les projets de tissus imprimés en 3D n’en sont qu’au stade de recherche. Certains couturiers utilisent l’impression 3D pour réaliser des ornements, en plastique ou en résine.
  • Même si l’impression 3D est capable de concevoir des pièces avec des mécanismes, la fiabilité n’est pas toujours au rendez-vous. Il vaut mieux concevoir des pièces séparément, en ensuite passer par une étape d’assemblage mécanique. Finalement, c’est déjà ce qui se passe sur les chaines de fabrication dans les usines !

A ma connaissance, je ne connais que Leroy Merlin qui a eu l’intelligence de placer l’impression 3D dans ses ateliers, au milieu des découpeuses lasers, des scies et des marteaux. L’impression 3D ne remplace pas les autres outils vendus par Leroy-Merlin : c’est simplement un outil capable de répondre à des besoins complémentaires !

L’impression 3D : pour quoi faire ?

Si vous voulez acheter une imprimante 3D à dépôt de fil en 2015, utilisez plutôt votre budget pour acheter quelque chose d’utile, comme une machine à laver la vaisselle ou un four ! Car à part réparer l’embout de votre rideau de douche ou fabriquer des objets basiques en plusieurs heures, vous ne ferez pas grand chose d’autre. Seuls les geeks, renommés makers pour l’occasion, trouveront là un nouveau terrain de jeu. Et me contrediront forcément ;)

Par expérience, j’ai trouvé 2 avantages de passer par l’impression 3D pour fabriquer des objets pour mes clients professionnels :

  • Si vous avez besoin d’un prototype ou de très petites séries d’objets à dimension mécanique ou artistique, il peut être rentable de passer par l’impression 3D. Le fait que cette fabrication soit digitalisée permet de peaufiner son besoin en modélisation 3D, puis de choisir une technique d’impression 3D fiable, comme la stéréolithographie.
  • L’impression 3D répond aussi aux besoins de customisation de masse, puisque le coût de fabrication de 100 objets identiques est aussi cher que le coût de 100 objets différents. C’est la réponse qui avait d’ailleurs été apportée à mon client We are social, pour la conception de 100 licornes personnalisées pour Nokia.

Finalement, l’enjeu principal de l’impression 3D réside dans son impact en termes de logistique : on fabrique à la demande, grâce à la digitalisation. On peut imaginer que dans le futur, nous ne produirons plus en masse. Mais cette promesse est malgré tout très avant-gardiste, car dans les faits : la technique reste limitée et ne répond pas à tous les besoins.

Comme le prédisait l’économiste Gartner, l’impression 3D va vivre une période de désillusion auprès du grand public. Les professionnels utilisent déjà cette technologie depuis plusieurs années, car ils y trouvent la réponse à certains besoins. La vraie question est : à quels autres besoins répond l’impression 3D ?

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3 réponses

  1. FHdit :

    Merci pour toutes ces infos, voici une bonne lecture. J’ai appris différentes choses en vous lisant, merci à vous. Fabienne Huillet http://www.neonmag.fr

  1. 5 juin 2016

    […] je le décris dans mon précédent article, l’impression 3D est un terme générique qui regroupe plusieurs méthodes de fabrication digit…. Si on explique l’impression 3D au collège, les enseignants se limiteront très certainement […]

  2. 5 juin 2016

    […] parlais précédemment : l’impression 3D doit être intégrée correctement dans une chaine de valeur. Et le storymaking permet de donner du sens à la technologie de l’impression 3D. De […]

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